Résistance à l'enseignement du catéchisme impérial dans la Manche

Reproduit avec l'autorisation de son auteur Yves MARION.

 

L'article a été publié sur le site Maison de l'Histoire de l'Ecole dans la Manche

 

Napoléon 1er, à partir du Concordat, entendait s’appuyer sur le clergé pour mieux établir son emprise sur le peuple. Rétablissant la religion, il demande à son ministre des Cultes, de Portalis, de rédiger un catéchisme.  Ce Catéchisme à l’usage de toutes les églises de l’Empire français, objet du décret du 4 avril 1806 devait être le seul et unique. Il était introduit dans chaque diocèse de l’Empire par un mandement de l’évêque. En outre, il devait faire l’objet d’un enseignement rigoureux et systématique par les instituteurs et institutrices des écoles. 

Dans la seconde partie intitulée « de la morale », le quatrième commandement « tes père et mère honoreras » est largement commenté. Traité sur trois leçons, leçon V à VII, pages 56 à 58, la dernière est consacrée aux devoirs des Chrétiens à l’égard des princes qui les gouvernent en particulier à l’égard de Napoléon 1er, Empereur de tous les français. Voyons la réponse : « Les chrétiens doivent aux princes qui les gouvernent, et nous devons en particulier à Napoléon 1er, notre empereur, l’amour, le respect, l’obéissance, la fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour la conservation et la défense de l’empire et de son trône ; nous lui devons des prières ferventes pour son salut et pour la prospérité spirituelle et temporelle de l’Etat. » La suite, est de la même tonalité. A la question selon laquelle il est demandé les raisons de cet attachement particulier, la réponse est éloquente : « car c’est celui que Dieu a suscité dans des circonstances difficiles pour rétablir le culte public de la religion sainte de nos pères, et pour en être le protecteur. Il a ramené et conservé l’ordre public par la sagesse profonde et active ; il défend l’Etat par son bras puissant ; il est devenu l’oint du Seigneur par la consécration qu’il a reçue du souverain pontife, chef de l’église universelle. » Il est aussi « défendu d’être désobéissant envers ses supérieurs, de leur nuire et d’en dire du mal ». 

Il faut croire que l’enseignement de ce nouveau catéchisme n’allait pas de soi dans le département de la Manche. L’avertissement préfectoral sous la signature de Louis Costaz, retrouvé et mentionné par Maurice Lantier, montre assez que la volonté impériale était loin d’être respectée.

 

 

 

Saint-Lô, le 30 juillet 1808

 

Le Préfet de la Manche, membre de la Légion d’Honneur,

aux Maires du Département,

 

Monsieur le Maire,

L’article 1er du décret impérial du 4 avril 1806, porte que le catéchisme approuvé par son Eminence la Cardinal Légat, sera publié et seul en usage dans toutes les églises de l’Empire Français.

Je suis informé que, dans un grand nombre d’écoles primaires, c catéchisme n’est point connu, et que l’ancien y est encore en usage.

Je vous invite, Monsieur, à vous assurer, par vous-même, au reçu de la présente, si les instituteurs et les institutrices de votre commune, se sont conformés au décret impérial précité.

Dans le cas contraire, vous leur ferez sentir combien leur négligence est répréhensible et vous leur enjoindrez, de la manière la plus positive, d’enseigner dans leurs écoles, le catéchisme à l’usage de toutes les églises de l’Empire français à l’exclusion de tout autre.

Si contre mon attente, il se trouvait des instituteurs ou des institutrices qui refusassent d’obtempérer à vos ordres, vous en rendrez compte de suite, au Sous-Préfet de votre arrondissement, et vous leur interdirez provisoirement la faculté d’enseigner, jusqu’à ce que j’aie statué.

Dans tous les cas, il convient que vous fassiez part au Sous-Préfet de votre arrondissement de la situation de votre commune, sous le rapport de cette partie de l’enseignement.

Recevez, Monsieur le Maire, l’assurance de ma parfaite considération.

Le Préfet de la Manche

L. COSTAZ

 

Journal du Département de la Manche, mercredi 3 août 1808, n° 62, Archives départementales de la Manche, série T. Référence mentionnée par Maurice Lantier.

 

 

 

 

 

Collection Yves Marion

 

 

Qui était Louis Costaz ? Né à Champagne-en-Valmorey (Ain) le 17 mars 1767, mort à Paris le 15 févier 1842, il fut nommé préfet de la Manche à Saint-Lô le 31 mars 1804 (10 germinal an XII). Grand mathématicien, il fut de l'expédition d'Egypte avec Bonaparte. Il fut un grand administrateur de 1804 à 1810, s'attachant notamment à organiser le réseau des communications? Gabriel Houel, dans son Histoire de la ville de Saint-Lô, Caen, 1825, en dresse un portrait élogieux bien qu'il lui fut peu aisé, dit-il, de remplacer son prédécesseur, M. de Montalivet. Baron d'Empire, louis Costaz devint par la suite directeur général des Ponts et Chaussées et conseiller d'Etat. (Voir Dictionnaire des personnages remarquable de la Manche, tome 4, sous la direction de René Gautier.)

 

 

Publié par Yves MARION 

 

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