Signature de Nicolas Doucet
mercredi 10 octobre 2018, 08:00 Textes anciens Lien permanent
La consultation des archives anciennes, en particulier les registres notariaux, permet parfois de relever des éléments surprenants. Une signature ou « merc » s’y apparentant en est un exemple particulier. Ainsi tel est le cas du « signe manuel » de Nicolas Doucet, bourgeois de Coutances ayant vécu à la charnière des XVIe et XVIIe siècles.
Le plus ancien signe (cf. cliché 1) relevé (il en existe peut-être d’autres traces), date de 1591. « NDoulcet » agrémenté du dessin saisissant, d’un crâne humain rongeant un os long autour duquel on peut lire l’année et terminé par le monogramme « ND ». Les suivants datant de 1598 (cf. cliché 2) et 1599 (cf. cliché 3) sont plus synthétisés et moins complets que le premier. Qu’elle est la signification d’un tel dessin et pourquoi ce choix. Le premier mot qui vient à l’esprit est naturellement l’expression « croque-mort ». Illustrait-il le métier de cet homme ? Bien que n’apparaissant semble-t-il dans la littérature qu’en 1788[1], cette expression était peut-être déjà utilisée. Cependant la réponse est peut-être toute autre ?
On sait peu de choses de cet homme. Seulement commis comme témoin dans les actes comportant les signatures des clichés 1 et 3, nous n’aurions donc rien, si j’osais, à nous mettre sous la dent. L’acte daté du « mardy 18 may 1598[2] » est plus loquace puisqu’il en est l’un des protagonistes. Il y est présent comme « fondé au droict de deffuncte Michele Noel » et en procès avec « Bernard Laurens filz Christofle et Jehenne Noel, sa femme, niepce de ladicte deffuncte ». Cet acte renvoie vers un contrat passé le 19 septembre 1597[3] où la dite défunte « confessa avoir donné en pur don gratuit » à Nicolas Doucet et Roberde Moulin sa femme, 6 livres de rente hypothèque et 12 écus sol contre nourriture, entretien et prise en charge de sa future inhumation. Son décès a dû survenir assez vite car elle est dite « gisante en son lict mallade ». On apprend en outre qu’elle partage le même logement que le couple, une maison appartenant à Pierre Jean située à Coutances et dans laquelle l’acte est passé.
Rien de plus pour nous renseigner sur la qualité du dit Doucet. Ce dessin étrange garde donc encore tous ses secrets…
Denis Lethimonnier dit Thimo
[1] Note de bas de page (1) relative à « un valet d'église » qui « cloue le mort entre quatre planches brutes en fredonnant une chanson », expliquant que « Le petit peuple le nomme croque-mort ». (Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), Tableau de Paris, Faisant Suite aux Editions précédentes, Tome X, Amsterdam, 1788, pp. 315-316).
[2] Archives départementales de la Manche, Tabellionage de Coutances, 5 E 2327.
[3] Ibid., 5 E 2326.
Commentaires
Bien vu cet article joliment documenté.
Effectivement, très représentatif de la profession de notre Nicolas Doucet.
Ironiquement je dirais qu'il ne lui reste plus qu'à ronger son os.